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Comme plus de 1500 territoires, notre EPCI a été doté d'un chef de projet pour accompagner notre ville centre, "Petite ville de demain". Nous avons docilement recruté cette personne dont l'Etat paye les trois quarts du salaire, au moyen d'une fiche de poste déjà rédigée. Personne très compétente au demeurant, et d'un dynamisme admirable. Au fur et à mesure que le programme se déroule, dûment coachés par un cabinet conseil lui-même rémunéré par l'Etat, les chefs de projets PVD sont invités à réseauter assidûment. Ils sont sommés de réaliser un diagnostic territorial dont la trame leur est fournie. On leur ouvre l'accès à des bases de données fiscales, sur les logements vacants, les revenus des ménages... Puis sort le "projet de territoire" qui n'a de local que le nom. Tandis que certains élus s'imaginent encore que le programme PVD leur donnera accès à des subventions pour leurs projets, leurs chefs de projets s'épuisent à faire comprendre que tout l'argent du programme part dans de l'ingénierie. "Ah, encore des études", soupirent les élus excédés. Pendant ce temps, une pensée formatée par McKinsey et E&Y s'immisce partout, avec l'idée sous-jacente que les élus n'y connaissent rien en revitalisation, qu'ils ont fait assez de dégâts depuis 50 ans dans les villes et villages, gaspillé l'espace, bradé les terres agricoles aux supermarchés (ce qui n'est pas faux), laissé les lotissements s'étaler (pas faux non plus). La petite ville de demain sera bientôt partout en France, avec son centre-ville refait en "coeur de village", sa maison France Service et ses tiers-lieux, micro-folies, espaces de coworking, nouvelle uniformité traversée silencieusement par des voitures électriques.
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Quand Google remplace le service juridique...
Les médecins sont confrontés de plus en plus à des patients qui, pour avoir fait des recherches sur Internet, croient en savoir plus qu'eux sur leur pathologie.Ce phénomène arrive aussi dans les assemblées locales... Dans les réunions de conseil communautaire ou municipal, où chacun a devant soi son téléphone portable, sa tablette ou son ordinateur, il n'est pas rare qu'un élu intervienne pour contredire l'intervenant, après une rapide recherche sur Google. En trois clics, ils pensent avoir compris les mécanismes du reversement de la taxe d'aménagement ou la répartition de l'IFER, quand on vient de se taper une note de 15 pages ou l'extrait du BOFIP. Parole confisquée, cacophonie garantie... et après on reprochera aux ados leur addiction aux écrans et leur incapacité à se concentrer. -
Inauguration
Sur la photo officielle, ils se tiennent côte à côte, elle, jeune femme très jolie, aux cheveux blonds et lisses, et lui, un homme d'âge mûr, qui pourrait être son père ou presque son grand-père. Tous deux sont ceints d'une écharpe tricolore, le rouge vers le cou, "rouge gorge". Elle sourit, radieuse. Il a l'air crispé. En tant que féministe, je devrais me réjouir de voir cette scène, la robe élégante et les ballerines au milieu des costumes sombres, cravates et chaussures vernies. Car elle vient d'être élue députée, damant le pion aux caciques, éléphants et autres vieux routards autoproclamés qui se croyaient inamovibles.
Mais...
Cette scène est sinistre. Elle est élue d'extrême droite, lui représente un parti socialiste moribond. Elle laboure le terrain depuis des mois, séduit, se montre, est partout, enfonce des portes qui s'ouvrent trop facilement. Lui, fin lettré, normalien, 40 ans de politique derrière lui, ayant occupé les plus beaux mandats de la République (maire, député, sénateur, ministre) et défendu les plus belles causes, paraît terne.