Comme plus de 1500 territoires, notre EPCI a été doté d'un chef de projet pour accompagner notre ville centre, "Petite ville de demain". Nous avons docilement recruté cette personne dont l'Etat paye les trois quarts du salaire, au moyen d'une fiche de poste déjà rédigée. Personne très compétente au demeurant, et d'un dynamisme admirable. Au fur et à mesure que le programme se déroule, dûment coachés par un cabinet conseil lui-même rémunéré par l'Etat, les chefs de projets PVD sont invités à réseauter assidûment. Ils sont sommés de réaliser un diagnostic territorial dont la trame leur est fournie. On leur ouvre l'accès à des bases de données fiscales, sur les logements vacants, les revenus des ménages... Puis sort le "projet de territoire" qui n'a de local que le nom. Tandis que certains élus s'imaginent encore que le programme PVD leur donnera accès à des subventions pour leurs projets, leurs chefs de projets s'épuisent à faire comprendre que tout l'argent du programme part dans de l'ingénierie. "Ah, encore des études", soupirent les élus excédés. Pendant ce temps, une pensée formatée par McKinsey et E&Y s'immisce partout, avec l'idée sous-jacente que les élus n'y connaissent rien en revitalisation, qu'ils ont fait assez de dégâts depuis 50 ans dans les villes et villages, gaspillé l'espace, bradé les terres agricoles aux supermarchés (ce qui n'est pas faux), laissé les lotissements s'étaler (pas faux non plus). La petite ville de demain sera bientôt partout en France, avec son centre-ville refait en "coeur de village", sa maison France Service et ses tiers-lieux, micro-folies, espaces de coworking, nouvelle uniformité traversée silencieusement par des voitures électriques.